Politique fiscale en Tunisie : quand l’impôt « tue » l’impôt
Depuis l’année 2011, la Tunisie a connu une effervescence au niveau de la législation fiscale : révision de taux, élargissement d’assiette, réaménagement de certain régime fiscaux, créations de nouveaux impôts et taxes, etc. on compte, jusqu’en 2018, pas moins une quinzaine de lois des finances (entre principales et complémentaires) avec, pour chacune, son lot de mesures fiscales. Cela sans compter la foule de notes communes explicatives et de prises de position émanant des autorités compétentes (DGELF, DGI).
Une telle situation a créé un vrai labyrinthe législatif voir un casse-tête pour les acteurs économiques qui se trouvent « noyés » dans des textes souvent très mal rédigés et parfois contradictoires.
L’instabilité fiscale ainsi créée est de nature à affecter lourdement les intentions d’investissement en Tunisie, aussi bien pour les acteurs étrangers que locaux.
En effet, les décisions d’investissement se basent sur des hypothèses de travail qui intègrent, entre autres, la pression fiscale. Or, on constate, que l’environnement fiscale d’une société pour changer sensiblement sous l’effet d’une seule mesure introduite dans une loi des finances.
L’escalade fiscale, certains parlent d’ « impôt-torture », dont l’objectif était d’accroître les moyens financiers de l’Etat et combler les déficits, n’a jamais l’effet escompté. En effet, ne s’agit guère d’une simple opération mathématique : on augmente les taxes, les recettes augmentent ! Plusieurs paramètres entrent en jeux :
- La baisse des investissements directs
- La perte de compétitivité des entreprises tunisiennes
- Diminution des capacités de financement
- Accroissement de l’évasion et de la fiscale
- Absence complète d’une volonté politique pour combattre la contrebande et la fameuse économie « parallèle » dont le volume atteint 60% de l’économie réelle !
Les pouvoirs publics se sont alors trouvés dans un cercle vicieux : ils augmentent les taxes, mais les recettes restent insuffisantes, alors ils augmentent encore les taxes.
Il ne faut pas perdre de vue que la fiscalité est le parfait reflet de la politique économique et sociale d’un pays. Elle ne doit certainement pas être réduite au prélèvement obligatoire.
En Tunisie, on ne peut même pas parler de politique fiscale claire et cohérente qui reflèterait une vision économique bien claire sur le long terme. Tout le contraire, nous avons un « mille-feuille » législatif et règlementaire qui « défriserait » les professionnels les plus avertis.
L’erreur était de déléguer l’élaboration des propositions de loi aux seuls bureaucrates du ministère des finances. Le résultat est inévitable : de la pure comptabilité.
La solution est de rendre à la fiscalité son rang de stratégie économique, et d’y impliquer les forces vives de la nation, en particulier les experts des différents secteurs et ministères, et surtout prendre le temps de la réflexion et du débat.
A bon entendeur….